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Oct 10

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Oui le bio, c’est possible ! L ‘avenir c’est une agriculture paysanne à échelle Humaine 1/2

Le 24/09, à Chasseneuil sur Bonnieure, le Parti de Gauche invitait
à la réflexion à partir de deux témoignages
Oui le bio, c’est possible ! Le productivisme, ça n’est pas fatal !
L ‘avenir c’est une agriculture paysanne à échelle Humaine

Cette journée de travail, dont le thème était l’agriculture biologique, était résolument placée sous le signe des témoignages. Sans doute est-ce pour cette raison que le débat a été riche.

Matin

Être jeune et installer une exploitation agricole

Comment 11 jeunes s’installent au sud de la Haute-Vienne sur une exploitation de 83 ha acquise avec l’aide de l’association Terre de Liens, produisent pain, bière, fromages de chèvre et de vache, légumes et viande de porc, le tout en conversion bio et vente en circuits courts. Ils sont en voie de dégager 10 salaires.

SONY DSCThomas Gibert, après la présentation de la journée faite par Elisabeth Guimard (Maire PG de Saint Mary), jeune agriculteur limousin, exploite une ferme collective, La Tournerie (haute Vienne), de 83 ha avec dix de ses confrères. L’aventure a commencé il y a un an et ils s’en sont donné quatre pour parvenir à dégager un Smic pour chacun.

Maraîchage, produits laitiers, pain, bière artisanal, élevage (porcs, vaches et chèvres), culture d’oléagineux constituent leur palette d’intervention. Tous leurs produits sont transformés et vendus dans le magasin de la ferme, le marché et, récemment, par l’intermédiaire d’une AMAP qui s’adresse, notamment à des étudiants. Ils fournissent également la restauration collective des environs immédiats. Autant dire qu’ils fonctionnent en circuit court à 100%.

La ferme est autonome parce qu’elle fonctionne selon un système circulaire, Ainsi les paysans maitrisent tous les intrants. Les protéines données aux animaux sont intégralement produites à la ferme, grâce à la culture des oléagineux.

Comment tout cela s’est-il mis en place ?

Le patrimoine bâti (deux maisons et diverses dépendances agricoles) a été acquis par le collectif au travers d’une société civile immobilière (SCI) constituée pour l’occasion. Les terres, quant à elles,ont été achetées par la Foncière Terre de Liens, grâce à l’épargne de citoyens récoltée à travers la mobilisation locale. Bien entendu Terre de Liens est une association participative.

C’est grâce aux propriétaires précédents qui, par leur volonté de conserver l’entité de la ferme ont résisté aux demandes d’agrandissements d’agriculteurs voisins, que l’installation des fermiers est possible. La transmission est réalisée en concertation (foin le premier été, planification des assolements, connaissance de la ferme). A ce propos, dans les 5 ans à venir, 30% des paysans en Limousin partent à la retraite. C’est donc un vrai enjeu que les terres ainsi libérées n’aillent pas vers les grandes propriétés.

Le travail d’équipe des 11 membres du collectif sont répartis sur les différents ateliers de la ferme. Ce mode de fonctionnement favorise l’entraide et permet de répartir les astreintes (1 week-end sur 11 est pris par le travail), de mutualiser le matériel et la commercialisation afin de dégager du temps pour améliorer la performance du système. L’organisation en GAEC (Groupement d’Exploitation En Commun) est avantageuse pour l’agriculture. Ils participent au CUMA (Coopératives d’Utilisation de Matériels Agricoles).

Actuellement l’équipe travaille sur la production d’énergie propre à la ferme (Enercoop) et la récupération de la chaleur produite par les eaux chaudes de la brasserie.

L’intégralité de l’intervention de Thomas Gibert (Ferme Collective de la Tournerie, Cussac-Bonneval 87) : 11 minutes

Le débat : 37 minutes

Quels outils pour favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs ?

Comment une collectivité rurale met en place une commission agricole et des actions pour faciliter la reprise d’exploitations agricoles par des jeunes.

Jean-Jacques Catrain, maire d’Alloue, présente ensuite un projet communal global autour du foncier. Une commission agricole, présidée par un agriculteur non membre du Conseil Municipal, a été mise en place en 2014 pour réfléchir à la mise à disposition d’outils favorisant l’installation de nouveaux agriculteurs.

Alloue s’est engagée dans la constitution d’une association régionale, «Champs du partage», dont le siège est à Niort. Une association qui aide à la création ou reprise en agriculture en mettant à disposition des «espaces tests» à des agriculteurs qui veulent s’installer à terme et qui bénéficieront de tuteurs qui les accompagneront sur une période déterminée. Elle crée sa Scic (société coopérative d’intérêt collectif) : « Terres en chemin », le 1er octobre.

Le plus souvent, les terres qui se libèrent vont vers des agrandissements de propriétés, puisque la pensée dominante dicte la loi du « toujours plus » qui est une fuite infinie et mortifère pour la planète. C’est une raison essentielle qui a conduit les acteurs locaux à recenser près de 24 ha de terres à acquérir. Si la collectivité locale acquière ces terres, elle permet de créer des fermes à taille humaine qui sont alors adeptes d’une agriculture paysanne et d’une conversion en bio.

La commune complète son action écologique en créant un marché, avec des producteurs locaux, qui se tient une fois par semaine et en approvisionnant la cantine scolaire (2 classes et 40 élèves) en circuit court. La Commune envisage de préacheter les provisions à un agriculteur, ce qui lui permet de la visibilité.

Les difficultés auxquelles se heurtent les acteurs d’une telle politique, résident dans des processus complexes, chronophages, des réglementations tatillonnes et très compliquées ainsi que des aides très difficiles à obtenir. Pour autant, personne ne baisse les bras et cette petite commune va de l’avant.

L’intégralité de l’intervention de Jean-Jacques Catrain : 18 minutes

Le débat : 29 minutes

En guise de conclusion de la matinée

Philippe Dauriac, au nom du Parti de Gauche conclut la matinée.

«Anthropologiquement, cette activité vivrière nourrit certes mais surtout elle permet la sédentarisation et donc le développement de rapports sociaux. C’est un élément structurant de l’organisation des sociétés, c’est la manière dont une société s’inscrit dans un territoire, prend le contrôle du vivant, s’interroge sur ses rapports à la vie et la mort s’inscrivant ainsi dans un autre rapport au temps et à l’histoire. Donc l’agriculture c’est une affaire de toute la société.

[…]

Écosystème, agrosystème et humain sont consubstantiellement liés.

[…]

Les expériences locales de La Tournerie (https://www.terredeliens.org/) illustrent les idées de relocalisation des activités agricoles et de la reconversion en bio, en tenant compte de l’écosystème et surtout montrent que des alternatives sont possibles et existent. Le rôle de Terre de liens et celui des citoyens engagés sont fondamentaux.

[…]

Le modèle agricole dominant est dévoreur de terre, il ne peut être laissé aux logiques capitalistes et libérales.

La relocalisation et la reconversion biologique des activités humaines sont au centre du projet politique du PG car c’est un des piliers de l’écosocialisme et de la planification écologique. Notre objectif est de faire en sorte que l’agro-écologie et l’agriculture paysanne se développent et deviennent le modèle dominant.

[…]

Selon l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture, à l’heure actuelle, 1,5 milliards d’adultes sont en surpoids, 30% de la nourriture est gaspillé et un milliard de personnes souffrent de famine dont une grande majorité sont des paysans. La souveraineté alimentaire est un des enjeux majeurs des années à venir.

La solution n’est pas de produire plus, mais de produire là où il faut, avec des méthodes qui respectent notre environnement comme il faut ! et cela partout sur la planète.

[…]

La « règle verte » est notre indicateur central de pilotage de l’économie. Elle remplace «la règle d’or» des politiques d’austérité et «d’ajustement structurel» imposés par la Banque mondiale, le Fonds Monétaire International, la Commission européenne et la Banque centrale européenne. Elle vise à assurer notre responsabilité devant l’humanité et son écosystème en supprimant la dette écologique. Elle associe la nécessaire réduction de certaines consommations matérielles et la nécessaire relance de certaines activités avec la prise en compte systématique de l’empreinte écologique générée.

En plus des dégâts déjà commis à rattraper en matière d’émissions de gaz à effet de serre et de perte de biodiversité, nous adoptons comme moyen d’évaluation des politiques publiques, de retarder chaque année le « jour du dépassement global ». Il s’agit de la date où nous avons prélevé à l’échelle mondiale le volume de ressources renouvelables égal à ce que la planète est en mesure de régénérer et où nous avons produit les déchets qu’elle est capable de digérer. Notre objectif est de la repousser au 31 décembre, c’est-à-dire de neutraliser notre empreinte écologique. Cela implique la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre et l’arrêt du nucléaire qui produit des déchets radioactifs que nul ne sait gérer et qui comporte des risques inacceptables pour les êtres humains comme pour l’écosystème.

[…]

L’agriculture pratiquée en Europe s’est mise en place autour de quelques principes agronomiques qui expliquent pourquoi on en est là :

        • Une approche réductionniste héritée de la science européenne du moyen-âge et de la Grèce antique qui n’est pas du tout systémique : on réduit un problème à des équations simples : par exemple, les plantes ont besoin de carbone, d’oxygène (air et eau), d’azote de phosphore et de potassium (engrais) alors que du point de vue systémique on se poserait la question de la sorte la plante se nourrit par le sol donc comment créer un système équilibré entre la plante et le sol.
        • Des cultures pures : blé, maïs donc monoculture
        • Sélection des plantes et des animaux standardisée sur des modèles réductionnistes: les paysans ne savent pas (renaissance), donc mécanisme d’industrialisation avec semences améliorées.

[…]

En matière sociale, il faut souligner l’effondrement des emplois agricoles depuis des décennies (- 20.000 / an) alors que le chômage ne fait que grimper lié à la concentration foncière des SAU jusqu’à arriver à une dissociation entre capital et travail, mais aussi la précarité de nombre d’agriculteurs (le plus haut taux de suicide dans la population) et les dégâts sur la santé des travailleurs de l’agriculture. Une étude que vient de révéler France Info montre par exemple que les nouveau-nés enfants d’agriculteurs ou de personnes vivant à proximité d’exploitations agricoles sont davantage plus victimes de malformations génitales, du fait des perturbateurs endocriniens présents dans les pesticides.

En matière écologique, le modèle productiviste contamine l’environnement (et donc la population), détruit la biodiversité, repose sur l’utilisation de ressources non renouvelables (énergie fossile, phosphate, etc.) et contribue fortement au réchauffement climatique.

Pour nous ce système est donc incapable de relever le défi actuel !

La transition écologique de l’agriculture renvoie à la méthode de gouvernement qui doit être la planification écologique. C’est à dire l’organisation dans le temps de nos choix politiques qui est donc en rupture avec une agriculture productiviste qui est soumise au capitalisme et au court terme.

[…]

Pour produire autrement il faut reconvertir, relocaliser, dépolluer.

La politique foncière est un levier déterminant pour favoriser les installations et les transmissions en agriculture biologique et paysanne (levier national et régional et non communautaire). Le rôle de terre de lien est important.
La préservation du foncier agricole et naturel et la redistribution des terres sont fondamentales car il faut qu’il soit disponible à une agriculture paysanne plutôt qu’il subisse la spéculation.

            • Création d’un EPFR : outil public pour mobiliser le foncier agricole et le mettre à disposition de l’agriculture paysanne et écologique. L’objectif étant de mettre un coup d’arrêt massif à la disparition des terres agricoles. concentration foncière, spéculation, cultures autres que vivrières (agro-carburant, panneaux solaires ….)
            • Utilisation d’autres outils comme la loi Littoral pour empêcher le bétonnage et stopper l’étalement urbain et industriel qui se fait aujourd’hui au détriment des ceintures vertes de maraîchages qui entourent nos agglomérations.

[…]

La relocalisation des productions, couplée à l’acquisition d’une autonomie fourragère sur les exploitations et une réintégration agriculture/élevage : autonomie protéique (la captation de l’azote atmosphérique par des légumineuses, gratuite et illimitée, permet d’enrichir les sols et la production protéines végétales pour les animaux.)

[…]

Arrêt des fortes importations des aliments pour le bétail (Soja OGM) avec taxation de ces importations et valorisation de ses reconversions par l’acquisition d’un label public.

Conditionnement des aides publiques à l’emploi et à la reconversion en bio pour les agriculteurs conventionnels.

Des mesures d’urgence sont à prendre : interdiction du Rondup et des OGM, maintien et renforcement du moratoire.

Le paysan est acteur de la transformation : autonome, intégré à son territoire et à sa population doit être justement et suffisamment rémunéré. D’où un prix minimum aux producteurs, encadrement des marges de la distribution, lutte contre le dumping social et écologique par un protectionnisme solidaire. De plus la diversification des productions est un moyen pour les paysans de se protéger des aléas climatiques ou économiques.

Mobilisation de la recherche et de l’enseignement public : sortir de ces institutions les lobbys financiers et agro-industriel, redéfinition des missions de la recherche publique, travail sur le bien-être animal…

Ces mesures sont incompatibles avec les règles libérales de l’UE : donc désobéissance aux traités européens au nom d’une clause supérieure permettant la transition écologique.

[…]

PAC 2020 :

Le budget pour l’agriculture et le développement rural sur la période 2014 – 2020 est de 362,8 milliards d’euros (278 milliards pour les aides directes, environ 85 milliards pour le développement rural).

[…]

Les subventions à la restauration collective doivent être allouées par voie contractuelle. Elle doit être bio, en circuits courts et conversion accélérée (gain de 1,6 milliards d’euros).

[…]

Favoriser très fortement le soutien à l’agriculture paysanne et biologique dans tous les pays européens.

[…]

Consommer autrement :

Un premier axe d’amélioration repose sur une baisse de la consommation de protéines animales (viande et produits laitiers), qui permettrait alors de réduire le détournement des cultures pour l’alimentation animale. Le choix d’une alimentation divisée par deux en protéines animales pourrait permettre de dégager assez de nourriture pour deux milliards de personnes supplémentaires.

Un deuxième axe d’amélioration (et pas des moindres) repose bien évidemment sur la réduction du gaspillage alimentaire. Aujourd’hui, le gaspillage des denrées alimentaires est considérable ; principalement dû aux pertes après récoltes dans les pays en développement (produits non adaptés à la transformation, problèmes de stockage, rejets pendant les opérations de récolte…) et aux déchets produits par les consommateurs et les distributeurs dans les pays industrialisés.

Conclusion :

[…] L’industrialisation actuelle de l’agriculture et la course à la compétitivité-prix sur le marché mondial vont à l’encontre de cette révolution technique et radicale qu’est la transition écologique de l’agriculture.

[…]

La faiblesse politique et idéologique du gouvernement laisse seulement la place à un marché bio réservé au « bobo » agriculture de niche pour consommateurs aisés et une production de masse bourrée de perturbateurs endocriniens pour les masses populaires.

[…]

Si on veut que cette Révolution technique et radicale soit possible deux conditions, pour nous, sont indispensables :

  • Faire nombre : Il faut un mouvement populaire large. c’est l’intervention citoyenne avec l’alliance entre une majorité de consommateurs et les environnementalistes.
    Il faut investir les lieux de pouvoir : associations de consommateurs, revues diététiques, les lieux d’expression publique, « Que choisir ». Donc il faut jouer très large…
  • Partage des richesses : car sinon c’est lexclusion des classes populaires de ce processus alors qu’elles doivent en être l’élément moteur. Partage des richesses foncières.
    L’Écosocialisme c’est l’intérêt général et la planification écologique.»

L’intégralité de l’intervention de Philippe Dauriac : 33 minutes

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