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Oct 01

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Fermons Fessenheim

Article initialement publié sur le site national du PG (consulter l’original)
Vendredi 5 Octobre 2012

La conférence environnementale qui s’est tenue les 14 et 15 septembre derniers n’a pas été « historique » comme l’affirmait Mme Duflot. Au sortir de cette conférence, le Parti de Gauche a toutes les raisons d’être inquiet quant à la trajectoire que souhaite poursuivre le gouvernement socialiste et leurs alliés d’Europe Écologie. La question du nucléaire fut la grande absente de cette conférence et l’annonce de la fermeture de Fessenheim en 2016 est source pour nous de nombreuses incompréhensions.

La centrale nucléaire de Fessenheim est la plus vieille centrale du parc nucléaire français. Inaugurée en 1978 dans le cadre du programme nucléaire civil entamé par le Général de Gaulle au début des années 60, Fessenheim est aujourd’hui le symbole de l’ « exception française » en matière d’industrie électronucléaire. En effet, comme le parc nucléaire français dans son ensemble, Fessenheim est une centrale vieillissante et dangereuse mais elle bénéficie d’un soutien aveugle des gouvernements successifs quelle que soit leur couleur politique. Elle est le symbole de cette industrie électronucléaire verrouillée de l’intérieur par des ingénieurs et des lobbys surpuissants dont la parole ne saurait être remise en cause. Autant le dire clairement : en ce qui concerne le nucléaire, le citoyen n’a plus sa place.

Le récent incident survenu dans l’unité de production n°1 le 5 septembre dernier (11 salariés touchés dont 2 à la main selon le rapport public) est le symbole de la dangerosité de l’industrie électronucléaire, tant pour les salariés que pour l’ensemble de la population. Cet incident n’est d’ailleurs que le dernier d’une longue série de 23 autres incidents survenus dans la centrale depuis la réouverture du réacteur n°2 suite à sa 3e visite décennale le 8 mars dernier1. La réalité est cinglante et ne peut être niée : la centrale nucléaire de Fessenheim enregistre 4 fois plus d’incidents que la moyenne des autres centrales du parc nucléaire Français2. De quoi remettre en cause les propos de Jean-Marie Bockel, largement partagés par les défenseurs de l’industrie électronucléaire, pour qui « Fessenheim est une des centrales les plus sûres de France »3.

Rappelons que la centrale de Fessenheim est située à 9 mètres en contrebas du Grand Canal d’Alsace qui assure son refroidissement. Elle est, qui plus est, située sur une faille sismique, dans le fossé rhénan, dont le risque fut sous-évalué lors de la construction de la centrale4. Si bien que la centrale est construite sur un radier épais de 1,5 mètres, alors même que le radier de la centrale de Fukushima était d’une épaisseur de 8 mètres. L’autre préoccupation majeure autour de Fessenheim concerne une éventuelle rupture de la digue du Grand Canal d’Alsace. En effet, l’éventualité de la rupture de la digue n’est pas à écarter en cas de séisme important, voire en cas d’attaque terroriste. Or ce risque n’est pas du tout pris en compte par EDF, qui le juge trop improbable, et ce, malgré les demandes répétées d’une meilleur prise en compte de ce risque par le Conseil Général du Haut-Rhin et la Commission locale d’information et de surveillance de la centrale nucléaire (Clis)5. En cas de rupture de cette digue, le cœur de la centrale pourrait être submergé sous 1 mètre d’eau, bloquant ainsi le fonctionnement des mécanismes de refroidissement comme cela fut le cas à Fukushima. En cas d’incident la fonte du radier en béton serait inévitable et, la centrale de Fessenheim ne possédant pas de cuve de récupération du corium, c’est toute la nappe phréatique rhénane située entre 4 et 8 mètres sous la centrale qui serait touchée. Cela contaminerait pour des milliers d’années l’une des plus importante réserve en eau souterraine d’Europe, qui alimente en eau plus de 6 millions de personnes. La question n’est donc pas uniquement franco-française mais européenne, et si la population française serait la première victime d’un accident à Fessenheim, nos voisins allemands, hollandais et suisses le seraient aussi. C’est pourquoi le Parti de Gauche et Die Linke se sont déjà associés pour demander la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim6. L’industrie électronucléaire représente pour le pays un véritable danger. En Europe, contrairement à ce que déclarait M. le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg sur BFM-TV le 27 août dernier, l’heure est à la sortie du nucléaire. Seule la France a fait le choix de continuer dans le sens de l’utilisation du nucléaire comme source principale, et quasi exclusive, de production d’électricité. Le choix de prolonger la durée de vie de la centrale de Fessenheim jusqu’en 2016, qui aura alors 39 ans, participe à cette aberration.

En première ligne en cas d’accident à Fessenheim : les travailleurs de la centrale et les personnels civils et militaires qui seront envoyés comme « liquidateurs » dans la centrale. Les conditions de travail dans la centrale nucléaire de Fessenheim sont loin d’être aussi parfaites que ce que EDF prétend. Si bien que dans son « Appréciation 2011 » sur la centrale de Fessenheim, l’ASN déclare que « la radioprotection des travailleurs ne s’améliore pas, malgré la proposition d’un plan d’actions à la suite de constats de l’ASN en 2010. L’exploitant n’a, dans ce domaine, pas suffisamment tiré les leçons des années précédentes. »7. Le choix pour les travailleurs de la centrale ne se situe donc pas entre travailler ou se retrouver au chômage. Comme l’ont très bien exprimé une quarantaine de salariés de la centrale dans un appel à la fermeture de la centrale le 5 mai dernier : « La fermeture peut se faire sans licenciements, il faudra notamment travailler longtemps à la mise en sécurité puis au démantèlement du site […] si on prenait l’argent dépensé à entretenir la centrale pour l’affecter à la formation et à l’accompagnement des salariés »8

Et nous touchons ici au second problème de la centrale, indissociable du premier, qui est celui du coût de la centrale et de son entretien. Dans son avis du 4 juillet 2011 sur la poursuite d’exploitation du réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Fessenheim après 30 années de fonctionnement, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) impose de « Renforcer le radier du réacteur avant le 30 juin 2013, afin d’augmenter sa résistance au corium en cas d’accident grave avec percement de la cuve [et d’] Installer avant le 31 décembre 2012 des dispositions techniques de secours permettant d’évacuer durablement la puissance résiduelle en cas de perte de la source froide »9. Ces dispositions ne seront pas suffisantes en cas d’accident grave car le béton fond à 800°C. Ainsi, un renforcement du radier n’aurait pour seul effet que de gagner un peu de temps. De plus, aucun renforcement des parois latérales des enceintes de confinement n’est prévu. Enfin, le mécanisme de refroidissement, même renforcé, risquerait d’être immédiatement détruit, comme ce fut le cas à Fukushima.

Le Parti de Gauche estime que ces mesures, en plus d’être inefficaces, seraient extrêmement coûteuses pour la collectivité. En effet : on estime à plus de 200 millions d’euros la somme des investissements nécessaires à la prolongation de l’exploitation de la centrale de Fessenheim au-delà de 2012. Sachant qu’en moyenne 100 millions d’euros sont investis chaque année dans la centrale et que, dans le cadre des 2 visites décennales réalisées entre 2009 et 2012, près de 380 millions d’euros ont déjà été investis10 . La centrale nucléaire de Fessenheim, à l’image de l’industrie électronucléaire, est donc un gouffre financier dont seul l’arrêt immédiat permettra de mettre un terme. Les exigences, toujours accrues mais jamais suffisantes, de sécurité exigent des investissements faramineux pour une centrale qui fonctionne par intermittence. L’arrêt immédiat est possible : la production annuelle de Fessenheim est de 10 à 12 TWh quand la France produit chaque année 541 TWh. Autrement dit : Fessenheim ne représente qu’un peu plus de 2% de la production annuelle d’électricité en France. De plus : la fermeture le 6 juin dernier de l’usine d’enrichissement d’uranium EURODIF a « libéré » 15TWh d’électricité.

Il est grand temps d’arrêter ce gaspillage sans fin et dangereux. Comme le rappelait Jean Luc Mélenchon durant la campagne présidentielle : « La recherche du profit ne peut plus primer sur les impératifs écologiques et humains. C’est pourquoi je suis favorable à l’arrêt immédiat de Fessenheim ». La centrale nucléaire de Fessenheim doit devenir l’exemple de la reconversion nécessaire et inévitable de la production énergétique française par la planification écologique. Fessenheim et le nucléaire sont aujourd’hui à bout de souffle. Il est temps que nous saisissions l’opportunité de la vétusté de nos centrales nucléaires pour sortir du nucléaire et offrir au pays une véritable alternative durable ainsi qu’une véritable indépendance énergétique, respectueuse des autres pays et de l’environnement. Car comment parler d’indépendance énergétique quand on sait que la France n’extrait plus d’Uranium depuis 20 ans, et que, par conséquent, nous sommes dépendants des approvisionnements venants, pour 40%, du Niger? La recrudescence des tensions dans cette région de l’Afrique, sous la pression notamment de AQMI, prouve la fragilité de cet approvisionnement et la situation de dépendance dans laquelle se trouve le pays. Sans compter la charge morale qui pèse sur ce mode d’approvisionnement : perpétuation de la Françafrique et conditions déplorables de travail dans les exploitations minières. Comment parler du nucléaire comme une énergie « durable » quand on sait que les réserves d’Uranium dans le monde s’épuisent rapidement (réserves estimées à 50 ans en l’état actuel de la consommation mondiale d’uranium) et quand on connait le casse-tête sans fin que représente la gestion des déchets qui ne sont pas, contrairement à ce qu’essaye de faire croie AREVA, recyclés. Enfin : comment parler du nucléaire comme une énergie « propre » alors que de nombreuses études évaluent les émissions par kilowattheure de nucléaire à environs 65g de CO2.

Pour le Parti de Gauche, l’heure n’est plus à la poursuite du programme électronucléaire Français, devenu couteux et obsolète. Nous appelons de nos vœux à ce que l’argent dépensé pour le nucléaire en France le soit uniquement pour la création d’une filière de démantèlement des centrales. Nous souhaitons en outre la création d’un pôle public de l’énergie, étape incontournable pour la mise en place d’une vaste filière industrielle de production et de recyclage des énergies renouvelables. La création d’un pôle public, par la renationalisation de EDF et d’AREVA, permettrait aussi au peuple de reprendre le contrôle de cette filière et d’arrêter immédiatement la pratique intolérable et dangereuse de la sous-traitance et de l’interim des salariés du nucléaire. Elle permettrait aussi de garantir pour tous le droit à l’énergie, droit incontournable à nos yeux. Enfin : la voie de la sobriété énergétique par l’isolation des bâtiments, le remplacement du chauffage électrique, le développement des transports en commun et du fret, la relocalisation de l’économie et de la production d’énergie (afin de réduire les déperditions d’énergie liées à son transport), la lutte contre les agressions publicitaires lumineuses est incontournable pour stopper ce monumentale gâchis d’électricité en France qui n’est que la conséquence de ce rêve illusoire d’une source énergie propre et infinie que représentait le nucléaire. Un tel plan permettrait la création de centaines de milliers d’emplois sur le territoire Français et d’aller vers une véritable souveraineté énergétique de la France. La fermeture de Fessenheim sera la première pierre posée pour construire cette alternative indispensable sur la voie de l’écosocialisme que souhaite poursuivre le Parti de Gauche.

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